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Propos tenus par M. Rundheersing Bheenick, Gouverneur de la Banque de Maurice, lors de la conférence de presse, au lendemain de la réunion du Comité de Politique Monétaire du 28 mars 2011

Le but de cette rencontre est de commenter la décision prise lors de la 21ème réunion du Comité de Politique Monétaire hier. La réunion s’est terminée par une augmentation de  50 points de base  du taux directeur, le Key Repo Rate, par un vote majoritaire. 
 
Cette décision fait suite à la dernière réunion du mois de décembre 2010, où la prise de position du Comité de Politique Monétaire était de laisser le taux directeur  inchangé, c'est-à-dire à 4,75 pour cent.  Ce qui nous renvoie  à la décision de septembre 2010, où le Comité avait décidé d’une baisse très conséquente de 100 points de base du taux directeur.  Le Comité de Politique Monétaire a une tâche ingrate.  Qu’importe la décision prise, il est toujours sujet à des critiques. Si rien n’est fait, les événements nous rattraperont, et il sera critiqué. Si le Comité se décide sur une ligne d’action, il est attaqué de tous parts; il y aura toujours quelqu’un pour trouver que ses intérêts ont été lésés  par la décision prise.   
 
Il faut se rappeler, quand il y eu la baisse  de 100 points de base au mois de septembre, qu’il y a même eu certaines critiques à l’effet que le Comité, ou la Banque de Maurice en particulier, sinon le Gouverneur lui-même, avait cédé face à  la pression.  Or, tel n’avait pas été le cas. Il n’y avait pas un seul interlocuteur qui avait demandé une réduction de 100 points de base – tout au plus, on réclamait une réduction de 25 points de base afin d’envoyer un signal fort aux opérateurs.  Au sein du Comité, on avait pris un pari – c’était un risque calculé que de baisser le taux directeur de façon assez drastique – pour donner à nos opérateurs les moyens de faire face à une situation qui se dégradait rapidement en cette période de l’année.  
 
À la conférence de presse le lendemain,  nous avions dit très clairement que le Comité espérait maintenir le Key Repo Rate à  ce même niveau pendant six mois, tout en restant vigilant, et quitte à rectifier sa décision si le besoin se faisait sentir. Les six mois se sont écoulés. Déjà, au mois de  décembre quand nous avions revu nos chiffres, nous aurions pu concéder à une petite augmentation du taux directeur – ce que nous n’avons pas fait. Hier, à la lumière des dernières données, nous avons constaté que le taux de croissance a été meilleur que ce que nous avions estimé dans le passé. L’année dernière, la Banque Centrale misait sur un taux de croissance d’à peu près 4,4 pour cent. Les prévisions du Bureau des Statistiques tournaient autour de 4,2 pour cent. Le Fonds Monétaire International (FMI) avait émis une projection de 3,6 pour cent, alors que nous avons maintenu le cap sur le taux de 4,4 pour cent.   
 
Nous pensons que la mesure qu’avait prise le Comité, c’est-à-dire la baisse de 100 points de base, au mois de septembre,  a produit un déclic chez nos opérateurs. Cela a créé un climat d’optimisme et s’est traduit par un regain de confiance parmi les opérateurs; ce qui nous a permis d’avoir ‘a fourth quarter’ qui était excellent, surtout pour nos exportateurs. Le résultat est que l’année dernière, on a atteint un taux de croissance de 4,4 pour cent – ce qui est bien par rapport à nos estimations précédentes, alors que celles du FMI tournaient autour de 3,6 pour cent.  Cela confirme que nous étions sur la bonne voie par rapport à nos propres prévisions.  
 
Les prévisions pour cette année-ci qui étaient de l’ordre de 4,2 pour cent en début d’année, tournent maintenant autour de 4,6 pour cent. En d’autres mots, nous ne serons pas très loin de notre taux moyen qui est autour de  5 pour cent – 5,1 pour cent.  Si en temps de crise on se rapproche de notre moyenne de 5 pour cent – 5,1 pour cent, je crois qu’il faut essayer de maîtriser les choses du côté de l’inflation.
 
Malheureusement de ce côté, les choses se sont quelque peu assombries. Jusqu'à fin novembre, nos prévisions se sont avérées justes. Mais depuis, la poussée inflationniste a fait que l’inflation a dépassé nos prévisions – notre ‘worst-case scenario’ a été dépassé. Pas plus tard que la semaine dernière, ce que mes collègues prévoyaient pour juin et décembre comme ‘worst-case scenario’ a aussi été dépassé. C’est pourquoi la Banque Centrale  a envoyé des appels pressants au Trésor Public afin que les deux instances conjuguent leurs efforts et mènent une action concertée de lutte contre l’inflation. Si on ne fait pas cause commune et qu’on se fie uniquement  à l’arme monétaire, on risquerait de passer à côté du problème.   
 
L’élément essentiel dans cette poussée inflationniste n’est pas interne. Ce sont des facteurs exogènes tels que les prix des denrées alimentaires qui font parti de l’augmentation des matières premières (commodities) en général, qui en sont la cause.   Les prix des denrées alimentaires ne sont pas très loin de leurs niveaux atteints à  mi-2008 quand il y avait des ‘food riots’ dans plusieurs pays.  Heureusement, il n’y a pas de poussée similaire sur le prix du riz qui est consommé par beaucoup de Mauriciens. Donc, par rapport aux autres céréales et denrées alimentaires, le prix du riz n’a pas subi trop de pressions. C’est ce qui a aidé en partie à contenir cette poussée inflationniste, côté denrées alimentaires. Côté pétrole, la crise au MoyenOrient et en Afrique du Nord, dans le Maghreb a évidemment eu un effet dévastateur sur le prix du pétrole. Les Mauriciens l’ont ressenti avec les augmentations répétées, et la révision de l’‘Automatic Pricing Mechanism’. Ces deux facteurs ont déclenché une dynamique inflationniste qui pousse   les syndicats à descendre dans la rue,  et les autres opérateurs à voir dans quelle mesure ils peuvent contenir leurs frais d’opération – en demandant  le maintien du taux directeur à son niveau actuel.  Malheureusement ce n’est plus possible de maintenir le statu quo parce qu’il faut un taux d’intérêt positif pour les épargnants. Si on encourage la consommation, on risque de provoquer d’autres dérapages dans notre  ‘trade balance’  qui est largement déficitaire. Donc il fallait donner un coup de pouce à l’épargne. 
 
Le taux d’épargne a considérablement chuté au cours de la dernière décennie.  De 26 pour cent en l’an 2000, il tournait autour de 14 pour cent, il y a deux ans de cela. Heureusement, au cours de la dernière année, il y a eu une légère reprise et  il est maintenant autour de 16 pour cent. Nous pensons que cette augmentation du taux directeur va encourager davantage l’épargne.  
 
En même temps, nous avons fait appel au Trésor Public pour que les efforts en vue de maitriser l’inflation ne reposent pas uniquement sur le taux directeur.  Des mesures complémentaires ont été annoncées.  Je présume que ceux d’entres vous qui  ont assisté à la séance parlementaire ce matin, sont au courant qu’il y a eu des efforts complémentaires, des efforts conjugués.  Donc la Banque Centrale et le Trésor Public travaillent main dans la main pour maîtriser cette poussée inflationniste. Je voudrais vous rappeler que lors de son dernier Article IV Consultation Mission à Maurice, le FMI a commenté très favorablement le fait que la Banque de Maurice et le Trésor Publique aient conjugué leurs efforts en vue de mettre en place le  Stimulus Package, l’ERCP, et d’autres mesures. Cette coordination pourrait surprendre certains dans la mesure où la Banque Centrale est indépendante du Trésor Public.  Mais le problème auquel nous faisons face en ce moment n’est pas le genre de problème habituel qu’une banque centrale peut contrer seule. Donc, c’est la deuxième fois en une année, que la Banque et le Trésor Public ont voulu travailler ensemble.  Je suis très heureux que cela ait pu aboutir – les mesures d’accompagnement seront bientôt dévoilées par le Ministre des Finances.  
 
Donc ces mesures, ensemble, vont nous aider à contrecarrer cette poussée inflationniste. Si rien n’est fait, l’inflation risquerait de repartir et s’approcherait dangereusement d’une inflation à deux chiffres vers  la fin de l’année. Sur un ‘no policy change basis’, le ‘year-on-year inflation’ – la mesure que nous employons habituellement – serait autour de 9 pour cent vers le mois d’octobre ou de novembre.  Vers le mois d’octobre, le ‘headline inflation’ tournerait autour de 7 pour cent.  Ce sont des chiffres inquiétants par rapport à l’année dernière. Quand le Comité de Politique Monétaire a commencé ses travaux, au mois d’avril 2007, l’inflation se chiffrait autour de 9,7 pour cent, et en octobre/novembre 2010, elle avait atteint presque 1,7 pour cent – un niveau historiquement bas. Ce niveau n’était malheureusement pas soutenable (sustainable).   
 
Nous pouvons constater les conséquences des poussées inflationnistes qui viennent de l’extérieur. Alors maintenant notre objectif principal est de contrer toute dérive sur le plan de la compensation salariale, sur le plan de la politique des prix, qui mènerait à ce qu’on appelle les effets de second tour.   Ces effets de second tour ne peuvent être ajustés après par exemple, une baisse dans le prix du pétrole.  
 
Nous pensons que c’est essentiel pour le Comité de Politique Monétaire d’agir en conséquence. Et notre action est tout à fait dans les normes. Nous allons circuler un tableau sur lequel vous constaterez qu’il y a beaucoup de banques centrales tant dans les pays avancés que dans les pays émergents qui ont augmenté leur taux directeur d’une façon systématique dans plusieurs cas, d’une façon drastique dans d’autres cas, et sans compter que d’autres banques centrales dans les pays avancés ont annoncé qu’ils vont augmenter leur taux directeur. C’est donc le contexte dans lequel nous évoluons et que la décision de notre Comité de Politique Monétaire a été prise.   
 
Nous regrettons qu’il y ait certains qui crient au désespoir, d’autres qui proclament que la hausse va freiner le développement. Ce que nous avons voulu faire, c’est essayer de remettre les choses en ordre et de nous assurer d’une croissance qui n’est pas inflationniste.  
 
Voilà l’essentiel de notre message ce matin. Ce n’était pas une décision facile.  Premièrement,  conjuguer nos efforts avec le  Trésor Public n’est pas inscrit dans la loi qui régit la Banque de Maurice. Donc en principe, la Banque aurait dû travailler seule et prendre des mesures beaucoup plus drastiques pour contrer cette poussée inflationniste. 
 
On va vous remettre également un tableau qui va vous indiquer notre situation par rapport aux prévisions.  Vous constaterez que l’option de ne rien faire aurait été la fuite totale, une capitulation de notre responsabilité, une capitulation collective du Comité de Politique Monétaire.  
 
Heureusement il y a eu une majorité  qui a soutenu cette augmentation de 50 points de base. Il y a eu une minorité qui souhaiter garder le taux directeur on hold,  mais, au fur et à mesure que la discussion a progressé, il y n’a eu qu’un seul membre prônant cette position. Par contre, il y avait deux autres membres qui voulaient d’une augmentation de 25 points de base.  Au fil de la discussion,  un membre, qui avait au départ proposé une augmentation de 25 points de base, s’est  rallié à la majorité pour soutenir l’augmentation de 50 points de base.  
 
…Il y a eu un léger retard hier dans la publication de notre communiqué.  Un de vos collègues m’a envoyé un texto pour me demander pourquoi le communiqué n’est pas sorti à 18 heures.  C’est très simple, le démarrage des travaux a été retardé d’une demi-heure parce qu’un de nos collaborateurs est arrivé le matin même et il a été pris dans un embouteillage. Donc, on avait une demi-heure de retard à rattraper.  Finalement il y a eu 5 minutes de retard dans la publication de notre communiqué.   Rien de plus grave que ça!